Comment les tissus sèchent
L’imagerie par résonance magnétique nucléaire aide les chercheurs à modéliser les échanges entre l’eau sous forme de vapeur et celle liée aux fibres de cellulose dans les tissus en train de sécher.
En pleine pandémie de Covid-19, l’intérêt pour les masques respiratoires a bondi, alors même qu’ils sont en usage depuis longtemps. Mais comment fonctionnent-ils ?
Article réservé aux abonnés numériquesNorme FFP2, masque chirurgical ou encore masque fabriqué maison… Ces mots ont envahi notre quotidien avec la pandémie de Covid-19. En tant que physiciens, il ne nous appartient pas de donner des recommandations sur l’usage de ces protections pour minimiser les risques de contamination. En revanche, nous pouvons nous intéresser aux mécanismes physiques mis en œuvre dans leur fonctionnement. On pourrait croire que les masques agissent, pour l’essentiel, comme des tamis. Or ce n’est pas du tout le cas !
En toussant, en éternuant, en parlant, ou tout simplement en respirant, nous produisons des aérosols : autrement dit, nous émettons dans l’air expiré des particules de tailles diverses. Ce sont typiquement des gouttelettes d’eau de diamètre compris entre 1 micromètre (un millième de millimètre) et 100 micromètres, qui s’évaporent rapidement et libèrent dans l’air bactéries (0,5 à 5 micromètres) et virus (0,02 à 0,3 micromètre, 0,1 micromètre pour le virus SARS-CoV-2, responsable du Covid-19).
Les particules les plus grosses tombent rapidement au sol. Les plus légères, en revanche, restent en suspension. Dans de l’air calme, la durée de sédimentation sur une hauteur de 3 mètres est en effet de 4 minutes pour des particules de 20 micromètres de diamètre, et cette durée est multipliée par 4 à chaque fois que l’on divise la taille par 2 : elle dépasse déjà 1 heure pour des particules de 5 micromètres.
En situation épidémique, on peut filtrer l’air à l’aide d’un masque pour protéger notre système respiratoire de ces aérosols chargés de pathogènes. Le premier effet filtrant auquel on songe est l’effet de tamis : comme dans une passoire, ne pourraient traverser le masque que les particules dont la taille est inférieure à celle des trous. Il y a cependant une difficulté majeure : plus les trous sont petits, mieux on filtre mais plus il est difficile de respirer à travers. Si l’on veut que le masque soit utilisable sans assistance mécanique, un filtre à trous submicrométriques, qui seraient nécessaires pour tamiser bactéries et virus, est exclu.
Heureusement, d’autres mécanismes sont à l’œuvre et permettent de piéger des particules de toutes tailles dans le masque. Ce dernier comporte en général une couche, peu épaisse, composée de fibres non tissées, mais plutôt entrelacées.
Lorsqu’une particule, entraînée par l’air qui traverse le filtre, vient percuter une fibre, elle s’y colle durablement grâce aux forces intermoléculaires dites « de Van der Waals ». Il faut donc comprendre d’où résultent les collisions particule-fibre.
Aux échelles considérées, on montre que l’écoulement de l’air est dominé par les effets de viscosité et qu’il est laminaire : en arrivant à proximité d’une fibre, les lignes de courant de l’air, régulières, se séparent pour contourner la fibre, puis se rejoignent derrière. Les particules entraînées par l’air suivent en première approximation ces lignes de courant.
Si la distance séparant la fibre de la ligne de courant qui porte la particule est inférieure au rayon de celle-ci, la particule percute la fibre et se colle sur elle : c’est l’effet d’interception, d’autant plus important que la particule est grosse.
Mais les particules ne suivent pas toujours exactement les lignes de courant. Il en est ainsi des grosses particules, qui ont de l’inertie due à leur masse : comme une voiture trop rapide dans un virage, au lieu de contourner avec l’air une fibre, elles vont continuer « tout droit » et la percuter. C’est l’effet d’inertie.
Quant aux petites particules, elles sont sujettes au mouvement brownien, dû aux impacts incessants avec les molécules de l’air, en agitation thermique : leurs trajectoires sont erratiques et se déjouent des lignes de courant. Lorsqu’une telle particule passe à proximité d’une fibre, elle peut diffuser jusqu’à elle et s’y coller. Contrairement à l’effet d’inertie, cet effet de capture par diffusion est d’autant plus important que la particule est petite et que l’écoulement est lent.
À ces effets s’ajoutent éventuellement des captures électrostatiques lorsque la particule est chargée. Quand on fait le bilan, on s’aperçoit que l’efficacité du filtre est moindre pour les particules de tailles intermédiaires (voir le graphique).
En pratique, la partie filtrante des masques est généralement constituée de fibres en polypropylène d’un diamètre de l’ordre de 5 micromètres et formant des pores de tailles variant entre 10 et 20 micromètres, bien supérieures aux tailles des virus et des bactéries. L’efficacité du filtrage est donc assurée par l’épaisseur du filtre : plus il est épais, plus les événements de capture décrits plus haut se multiplient et moins de particules passent.
Un filtrage efficace a cependant deux conséquences : d’une part, la respiration devient plus difficile ; d’autre part, si le masque n’est pas parfaitement ajusté au visage, l’air s’introduit par les interstices entre le masque et le visage. La conséquence est que le choix du « bon masque » résulte nécessairement d’un compromis entre diverses exigences : qualité du filtrage, facilité d’utilisation et confort de l’utilisateur.
On distingue deux types de dispositifs. Il y a d’abord les « masques chirurgicaux ». Leur objectif principal est d’éviter que les grosses particules émises par celui qui le porte, comme les postillons, se dispersent dans l’environnement. L’efficacité pour filtrer les petites particules en suspension dans l’air n’est pas recherchée : elle est, de fait, très mauvaise.
On réalise des tests standardisés en mesurant quel est le pourcentage de particules de 0,06 micromètre (la taille d’un virus) qui passent à travers le masque lorsqu’on fixe le débit d’air à 85 litres par minute, caractéristique d’une respiration très précipitée. Avec des masques chirurgicaux, on obtient des taux très variables, compris entre 4 % et 90 %, en raison du passage de l’air par les bords du masque. Un tel masque est peu satisfaisant en cas de contacts prolongés avec des malades, mais utile sinon, car il bloque les postillons dans les deux sens et permet d’éviter de se toucher le visage avec les mains.
Une seconde classe de masques est constituée des « respirateurs de protection ». Ce sont eux dont on entend le plus parler aujourd’hui : ils sont notés FFP (pour filtering facepiece, « pièce faciale filtrante »), avec un numéro qui indique le degré de filtrage. Ces respirateurs sont conçus pour filtrer l’air et réduire le nombre de particules et de germes que le porteur inhale.
Le masque FFP2 (respectivement FFP3) doit par exemple filtrer au moins 94 % (respectivement 99 %) d’un aérosol contenant des particules de diamètre médian égal à 0,06 micromètre et avoir des fuites totales de l’extérieur vers l’intérieur (filtrage et étanchéité des joints faciaux compris) inférieures à 8 % (respectivement 2 %) de l’air inspiré. Cela requiert que les respirateurs doivent être parfaitement ajustés sur le visage, en général avec deux élastiques autour de la tête et un clip au niveau du nez.
Comme les masques sont ajustés et épais afin de filtrer l’air, ils offrent une résistance au passage de l’air, que l’on mesure en évaluant la surpression qu’il faut pour assurer l’écoulement : elle est de l’ordre de 2 millibars pour un FFP2 avec une respiration précipitée. Cela semble peu, mais c’est du même ordre de grandeur que les variations de pression mises en jeu dans nos poumons. Aussi, le port prolongé du masque en situation de stress peut entraîner des maux de tête. C’est pourquoi certains sont équipés de soupapes respiratoires qui facilitent l’expiration.
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Pour en savoir plus sur l'épidémie de coronavirus, consultez les articles du réseau des éditions internationales de Scientific American.
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